L'éloge de l'oisiveté

Bertrand Russel

Esprit68

 

L'éloge de l'oisiveté

Bertrand Russel, 1872-1970, mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique et moraliste britannique est un digne représentant de la philosophie analytique, considéré avec Gottlob Frege, et Alfred North Whitehead comme l'un des fondateurs de la logique contemporaine. Il reçut par ailleurs le prix Nobel de littérature en 1950.

Mais ce docte professeur s’est également signalé par ses convictions socialistes et libertaires et par son engagement pacifiste qui lui valut plusieurs séjours en prison. Il s’opposa ainsi à la première guerre mondiale, lutta avec Albert Einstein contre le maccartisme et contre les armes nucléaires et fonda avec Jean Paul Sartre, le tribunal « Sartre/Russel », pour condamner les crimes de guerre perpétrés durant la guerre du Vietnam par l’armée américaine.

Sa verve de libre penseur lui inspira de féroces critiques de la religion. Dans Pourquoi je ne suis pas chrétien, paru en 1927, il écrivait : « J’affirme, en pesant mes termes, que la religion chrétienne, telle qu’elle est établie dans ses églises, fut et demeure le principal ennemi du progrès moral dans le monde. »… « L'idée de Dieu, avec tous les concepts qui en découlent, nous vient des antiques despotismes orientaux. C'est une idée absolument indigne d'hommes libres. La vue de gens qui, dans une église, s'avilissent en déclarant qu'ils sont de misérables pêcheurs et en tenant d'autres propos analogues, ce spectacle est tout à fait méprisable. Leur attitude n'est pas digne d'êtres qui se respectent. [...] Un monde humain nécessite le savoir, la bonté et le courage; il ne nécessite nullement le culte et le regret des temps abolis, ni l'enchaînement de la libre intelligence à des paroles proférées il y a des siècles par des ignorants. »…« La Bible dit : "Tu ne laisseras point vivre la magicienne" (Exode XXII, 18) [...] Les chrétiens libéraux de notre temps, qui continuent à soutenir que la Bible a une grande valeur morale, ont tendance à oublier de tels textes, et les millions de victimes innocentes qui sont mortes dans les supplices parce que les hommes de jadis réglaient effectivement leur comportement d'après la Bible. ».

C’est donc tout naturellement que Bertrand Russel s’attaqua à l’une des valeurs phare de la morale chrétienne : le travail. Il le fit avec une mordante ironie, dans ce cours essai intitulé L'Éloge de l'oisiveté (In Praise of Idleness en anglais) paru en 1932.